Personas, archétypes et stéréotypes, ne confondons pas tout !

La diffusion rapide de la méthode des personas dans les processus de design et de conception s’est parfois accompagnée d’approximations dans leur élaboration comme dans leur utilisation, ce qui ouvre la porte à un certain nombre de critiques.  Tout comme moi, vous avez certainement « rencontré » des personas génériques ou stéréotypés, ou des personas réduits à une segmentation marketing statique, se prêtant mal à une utilisation efficiente pendant les cycles de conception. Je vous propose donc de revoir quelques notions qui permettraient d’éviter certains écueils. 

LE STÉRÉOTYPE est socialement construit, lié aux préjugés 

Persona vs. stéréotype
Jstor.org
  • Il est construit à partir de croyances partagées à propos d’un groupe social dont on se fait l’idée que tous les membres partageraient la même nature. Il permet de catégoriser ce groupe.
  • Figé, proche de la caricature, il structure une opinion. Pensons par exemple à « la ménagère de plus de 50 ans ».
  • Utilisé en communication et particulièrement dans la pub, Il est un moyen de susciter une attitude ou un comportement. Selon qu’il est séduisant (la femme jeune, mince et avenante des produits de beauté), ou ringard, ou à contre-emploi, il va susciter un désir d’identification ou au contraire un désir de démarcation.
  • Même si, pour des raisons d’économie cognitive, réduction et simplification d’autrui amènent le persona à fonctionner comme un stéréotype, il n’est pas construit comme tel. Le persona n’est pas figé, et surtout ne repose pas sur des croyances ou sur la simple opinion du concepteur.
  • Le stéréotype ne représente donc en aucun cas l’utilisateur réel  d’un produit ou d’un service. Le client ou l’utilisateur ne sont ici que les récepteurs du message et non les émetteurs. Le stéréotype peut être celui que rêve d’être (ou pas) l’utilisateur, mais pas celui qu’il est réellement.

L’ARCHÉTYPE rassemble dans un seul individu des traits caractéristiques d’un comportement donné 

Persona versus archétype
Marvel – sites.psu.edu
  • Il a une portée généralisable voire universelle, même si cet individu n’existe généralement pas tel quel.
  • L’exemplaire typique obtenu sera utilisé comme forme ou image collective. Pensons à l’archétype du méchant, du rebelle ou du héros par exemple. Un archétype  est relativement stable dans le temps et devient une forme générique.
  • Il est construit en ne conservant que les données, attitudes et comportements qui servent à le caractériser, et en négligeant les autres (qui seraient peut-être bien utiles pour décrire un utilisateur crédible).
  • Comme les stéréotypes, ces archétypes ne représentent pas forcément le destinataire du message, c’est-à-dire le client ou l’utilisateur. Ils sont un support de médiation utilisé par l’émetteur du message, très utilisé dans le domaine du cinéma, du marketing et de la publicité.

LE PERSONA : C’est le masque au travers duquel s’exprime l’utilisateur potentiel d’un produit ou d’un service.

persona dans le processus de design
Airbnb – theinspirationroom
  • Le persona est bien sûr une forme d’archétype puisqu’il rassemble en un individu des caractères distribués. Mais il n’est qu’une forme temporaire et circonstanciée liée à une équipe et à un projet. Il n’est pas reproductible tel quel d’un projet à l’autre.
  • De la même manière que s’exprimaient les acteurs de l’antiquité au travers de leur masque, support de médiation, (lat : personare = parler à travers), chaque persona joue un rôle particulier et caractérise une classe d’utilisateurs qui, d’une certaine manière, s’expriment à travers lui en combinant aspects cognitifs et émotionnels.
  • Certes fictif, Il repose cependant sur des données réelles ou pour le moins probables. Il représente autrui, un utilisateur individualisé, pertinent, cohérent et crédible. Il peut être confronté à la réalité et évoluer en conséquence, toutes choses qui le distinguent de l’archétype d’un personnage générique.

Take Away :
10 principes de base pour des personas efficients

  1. Le persona est construit par une équipe pour un projet donné et a donc une « durée de vie » limitée.
  2. Le persona n’est ni combinaison aléatoire (ou automatisée) de caractères, ni archétype rassemblant des caractères présélectionnés pour leur adéquation avec un profil prédéterminé…
  3. Il doit être suffisamment détaché des représentations personnelles de ses concepteurs (…où l’on retrouve les stéréotypes…).
  4. Le persona n’est pas un elastic user. Il est construit à partir de variables convenablement identifiées, des données statiques (identité…) et aussi dynamiques (valeurs, croyances, objectifs). Il représente une classe d’utilisateurs ayant des buts, des attitudes (état mental, motivations), des aptitudes, des compétences et des comportements (actions et activités) communs.
  5. Le persona est construit d’après des données réelles, éventuellement évolutives. Ces données sont recueillies par observations, entretiens, focus group, questionnaires, analyse sectorielle… Toute la connaissance de ses utilisateurs par l’entreprise peut être mobilisée (mais le persona n’est pas à confondre avec une segmentation marketing).
  6. Les variables doivent être suffisamment et correctement identifiées et discriminées pour éviter les intersections entre les personas.
  7. Dans le cas où les personas sont construits autour des buts ou des actions, ils peuvent être positivement métissés avec les «  JobsToBeDone » – même si je pense, peut-être à tort, que cette dernière méthode, plus « utilitariste », ne couvre pas tout l’espace d’innovation qui peut se cacher dans l’univers mental et comportemental d’un utilisateur.
  8. Le persona doit susciter l’empathie (oui aux photos, oui aux détails de la vie personnelle…et pourquoi pas à des objets) et être placé au cœur de l’équipe de création. Il en assure la cohérence des démarches et la guide en imposant un référentiel commun et des contraintes nécessaires à la sélection des idées. Il doit être régulièrement questionné (et non simplement être rangé dans un dossier).
  9. En cas de temps et/ou de ressources insuffisantes, le persona peut être construit à partir d’attitudes de l’utilisateur, ou de ses comportements et/ou de ses buts supposés, imaginés ou débattus par l’équipe de conception. On parle alors de proto (ou Ad-Hoc ou provisional) personas.
  10. Et bien sûr…, le persona n’est pas un artefact construit après coup pour justifier une proposition…Mais bien sûr vous ne le faîtes pas plus…

 

Author : Marie Serindou
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