J’ai noté ces derniers jours dans la presse le télescopage de deux approches des usages des réseaux sociaux a priori sans rapports directs mais qui, placées l’une en regard de l’autre, illustrent bien leur ambivalence…
⇒ D’un côté ces outils sont rangés parmi les instruments de la libération de tout un peuple ;
⇒ D’un autre côté, vus comme des instruments potentiels de contrôle.
Approche 1 : Les réseaux sociaux comme instruments de la libération de tout un peuple
D’un côté donc, la mise en exergue par les médias (ici et là par exemple) du rôle de Twitter et surtout de Facebook dans le déclenchement, l’amplification et la coordination des révoltes de Tunisie et d’Egypte. Une Facebook révolution ?
Sans surévaluer le rôle de ces réseaux sociaux compte tenu de leur taux de pénétration (encore qu’en Tunisie…) et des strates de population touchées, il semble bien qu’ils aient constitué un moyen de contourner les institutions, les dispositifs de censure et de surveillance, un outil d’expression personnelle (petit clin d’oeil Facebook repris sur le blog tunisien de Nawras) et de libération en quelque sorte. On a vu utiliser le terme de cyberrésistance, pu suivre les més-aventures d’un responsable marketing Google et la nomination d’un blogueur résistant comme ministre. Il n’est pas contestable non plus qu’internet a constitué une source essentielle d’information -Voir par exemple sur Google Tendances l’explosion des requêtes « Ben Ali » à Tunis les 14 et 15 janvier, jour de son départ –
Approche 2 : Les réseaux sociaux comme instruments potentiels de contrôle
D’un autre côté, Alex Turk, président de la CNIL, qui nous redit ni plus ni moins dans le Monde du 8/02 ce qu’il dit depuis longtemps : « des dangers lourds nous menacent en lien avec la géolocalisation ». la CNIL pense bien sûr aux réseaux de type Aka-aki, Foursquare, Latitude, géo-tweet, Facebook Lieux et quelques autres, et aussi aux multiples applications qui nous proposent (yes or no ?) la géolocalisation pour exprimer tout leur intérêt avec des procédures d’opt in/opt out parfois mal définies.
De type check-in, ou davantage encore de type tracking, tous ces signalements de position ne font qu’ajouter à notre empreinte numérique déjà forte (on se souvient de l’histoire de Jules). Plus récemment le site provocateur pleaserobme (en ce moment en sommeil) annonce l’absence du propriétaire aux voleurs à partir de relevés sur Foursquare et Twitter. Mais la tendance est lourde, la géolocalisation est un puissant outil de marketing direct au service de stratégies adaptées au développement des terminaux mobiles (par exemple la très simple offre McDo : 3 géolocalisations en 72h au McDo sur Lieux = un sandwich gratuit)… Ce pourrait être demain un outil au service d’objectifs peu louables dans un monde panoptique, un instrument de contrôle et de domestication.
D’un côté donc, tout ce que l’on peut attendre du développement des médias de masse ; il est très difficile, voire irréaliste aujourd’hui de maintenir des structures strictement verticales et d’ignorer l’expression des idées de chacun aisément et instantanément disséminées par le réseau. L’entreprise l’a (souvent) compris, les états parfois moins.
D’un autre côté, la porosité croissante entre vie publique et vie privée (jusqu’à leur confusion ? L’attitude de Facebook à ce sujet est plus qu’ambigüe) questionne effectivement quant au contrôle social. Au delà de l’éducation de chacun et de l’autocontrôle, on peut certes penser que les réactions des internautes contrôleront les abus, mais les états de droit devront sans doute légiférer rapidement sur l’utilisation des données personnelles, leur propriété et leur accès. Il n’y a pas de médaille qui n’ait son revers…