Steve Jobs est mort. Comment son imaginaire technologique nous a rencontré au travers d’Apple.

 

L'hommage, en Une, de Libération à Steve Jobs
Logotype utilisé en une du journal « Libération » : hommage à Steve Jobs

Quand j’ai acheté mon iPhone, puis mon ipad, je ne savais pas que j’en avais besoin…Cela pourrait être une explication de ce qui vaut à Steve Jobs, fondateur d’Apple, un hommage quasi unanime pour son apport dans l’industrie du numérique voire pour avoir changé la vie. Il y a là quelque chose de religieux (voir mon précédent billet) dans la prosternation, dans la dévotion que lui vouent certains et dans les cérémonies vues devant certains magasins Apple, Alors un gourou ? un génie ? Plus sûrement, en plus d’être un homme d’affaires, quelqu’un dont l’imaginaire a rencontré une attente non formulée, mais forte, de réenchantement du monde. Dans quelles conditions cet imaginaire a t-il rencontré cette attente au point même de paraître devancer  le besoin ?

Une piste de réponse se trouve dans les travaux du GRETECH-Paris-Sorbonne et dans ceux de  Michel Maffesoli. Tout au long de l’ère industrielle, le développement d’abord porteur de progrès des sciences et des techniques, de la mécanisation, et des transports, finit par amener progressivement à un désenchantement du monde marqué par une profonde mutation des relations sociales, à une atomisation de la société, au déracinement et à l’isolement. Et 150 ans plus tard ( c’est l’ordre de durée estimée de ces cycles de désenchantement-réenchantement ), on assiste à la fin accélérée de ce moment culturel débuté au dix-neuvième siècle.

Lorsqu’arrivent les technologies du numérique dans cette fin de cycle, elles rencontrent donc une attente de réenchantement soutenue par une sorte de nostalgie des liens sociaux perdus idéalisés. L’attrait constaté pour les événements collectifs, les événements de foule, naît de cette attente. La technologie devient le meilleur réceptacle de ces attentes dans lesquelles elle s’inscrit. Dès lors les espaces virtuels, les espaces communautaires en particulier, permettant l’échange et le partage, offrent la possibilité d’un territoire commun qui comble l’ennui et l’angoisse de l’isolement en réchauffant le lien social.

La force de Steve Jobs a été de comprendre, ou pour le moins de sentir cette attente. Les progrès de la technologie aidant, il a compris que la machine ne devait être le contraire d’une entrave ou d’une difficulté supplémentaire pour le lien social. En proposant des interfaces intuitives, des machines utilisables sans mode d’emploi, parce qu’inutile, là où des concurrents confondaient performance et complexité, il a permis un réchauffement du lien homme-machine face à la froideur des notices techniques. Depuis, macIntosh, iPod, iPad et compagnie ont pu s’inscrire comme une simple prothèse d’un individu désormais connecté.

Alors Apple pourra t-il poursuivre dans cette voie ? Y a-t-il d’autres vigies dotées comme Steve Jobs d’un imaginaire susceptible de rencontrer des attentes non formulées et de se fondre dans les mutations sociales ?  Nous n’en savons rien. Mais le virage imposé par Jobs a modifié définitivement l’approche des usages. Le numérique n’a pas fini de produire ses effets, nous ne sommes qu’au début du cycle, mais n’en doutons pas, il produira aussi son lot de désenchantement…dans un siècle ou un peu plus si la durée du cycle est conforme à l’histoire passée…ou bien avant si l’accélération sociale, d’ailleurs portée par le numérique, se confirme…

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